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« Le monde occidental est attaqué pour ses valeurs et son hégémonie, justement parce qu’il perd de sa force »

Professeure d’économie à Sorbonne Université et à l’Ecole d’économie de Paris, Claudia Senik est directrice scientifique de la Fondation pour les sciences sociales et directrice de l’Observatoire du bien-être. Elle travaille essentiellement sur l’économie du bonheur mais vient de diriger un ouvrage collectif intitulé Un monde en guerre (La Découverte-Fondation pour les sciences sociales, 240 pages, 25 euros). Un ensemble de douze contributions qui portent sur le concept de guerre, sur le conflit en Ukraine, sur l’histoire de la guerre de l’Antiquité à nos jours et sur le métier d’historien militaire. Cet ouvrage présente les travaux des chercheuses et chercheurs lauréats de l’appel à projets lancé en 2022 par la fondation.
Il faut se méfier de l’illusion d’optique qui fait apparaître les problèmes actuels plus importants que ceux du passé. Le chapitre de l’historien Laurent Vissière, par exemple, rappelle la permanence des guerres au Moyen Age. Des auteurs, tel Steven Pinker dans La Part d’ange en nous [Les Arènes, 2017], ont tenté de mesurer le degré de violence et de conflictualité dans le monde, relevant leur diminution au cours des siècles. Alors que les valeurs des vies humaines sont mises en balance avec des intérêts nationaux, le « prix de la vie », comme l’indique Ariel Colonomos [Un prix à la vie, PUF, 2020], est plus élevé que par le passé. Mais, lorsqu’elles ont lieu, les guerres contemporaines mobilisent des armes de plus en plus efficaces, et la menace nucléaire porte en elle un degré de violence capable d’anéantir l’humanité.
Nous sortons effectivement d’une parenthèse d’optimisme inédit, pendant laquelle l’Occident a pu croire à la perspective d’une extension de la paix, de la prospérité et de la démocratie. Au moment de la chute du mur de Berlin, en 1989, certains avaient même évoqué « la fin de l’histoire ». L’épilogue de la guerre froide entre les deux blocs avait pu, à l’époque, laisser penser que la menace d’une guerre « chaude » était elle-même écartée. Le triomphe des libertés politiques et économiques devait peu à peu créer les conditions de la paix.
La croyance en la vertu pacificatrice du commerce en tant que facteur d’interdépendance entre les pays, le « doux commerce » de Montesquieu, est aujourd’hui battue en brèche. La période actuelle montre que la raison économique ne peut empêcher la volonté de puissance politique. La nature humaine est conflictuelle, et un monde sans guerre suppose un droit supranational doté des moyens d’imposer sa juridiction aux Etats. L’ONU est loin de remplir ce rôle.
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